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Afrique de l’Est : les navires de pêche chinois exploitent leur équipage et vident l’Océan de ses poissons

Du Kenya à Madagascar en passant par le Mozambique, de nombreuses personnes vivant sur la côte dépendent de la pêche pour subsister. Mais l’irruption des navires de pêche chinois, ces dernières années, provoque des dégâts considérables à tous les niveaux, des équipages exploités à l’environnement, en passant par les populations locales.

Du Mozambiquee à la Tanzaniee, les pêcheurs locaux sont en concurrence depuis plusieurs années avec un nouvel adversaire de taille : des navires de pêche d’entreprises chinoises comme la Guangdong Xiesheng Ocean Fishery ou la China National Agricultural Development Group, parfois directement soutenus par Pékin.

Ces derniers pratiquent une pêche si intensive qu’elle étouffe peu à peu les écosystèmes, tout en mettant en péril les membres non chinois des équipages et les populations du bord de l’Océan Indien du Sud-Ouest.

Un renforcement des capacités navales autour du monde

Le renforcement de la puissance navale chinoise est un défi pour tous ses voisins, alors que Pékin construit des navires à une vitesse effrénée. Selon un document de la marine américaine obtenu et diffusé en 2023 par The War Zone, la capacité de production navale chinoise serait 232 fois plus élevée que celle des États-Unis.

Cette vaste production lui permet de se projeter de plus en plus loin de ses côtes et d’appuyer ses revendications, comme la prise de contrôle de Taïwan. Pékin multiplie également les manœuvres dans la Mer de Chine méridionale, zone maritime qu’elle revendique comme sienne. Blocus du banc Second Thomas, occupé par les Philippines, affirmation de son droit d’arrêter chaque navire ou personne “suspecte” dans cette mer, renforcement de ses îles artificielles… Le tout dans le but d’obtenir le contrôle d’une Mer de Chine méridionale riche en ressources et de protéger ses côtes.

Mais l’expansion navale chinoise a déjà causé de lourds dommages dans les eaux proches de la Chine. Comme l’expliquait dès 2022 le New York Times, la plus grande flotte de pêche du monde est entre les mains de Pékin, mais la Chine a peu à peu épuisé ses propres eaux territoriales, à force de surpêche.

Les flottes de pêche chinoises s’éparpillent donc depuis plusieurs années autour du monde, de l’Amérique Latine à l’Afrique de l’Est, ciblant les bordures des Zones Economiques Exclusives (ZEE) réservées aux États de ces régions.

Pêche à l’aileron financée par Pékin

Et ces navires exhibent des “comportements illégaux, non durables et abusifs envers les écosystèmes comme les équipages“, selon l’ONG Environmental Justice Foundation, qui a publié un rapport en avril 2024 documentant les violations du droit de la pêche et des droits humains dans l’Océan Indien du Sud-Est (correspondant aux zones au large de l’Afrique de l’Est et de Madagascar).

Ce rapport pointe que la moitié de ces violations sont dues à des navires chinois. Comme le note Radio Free Asia, les compagnies de pêche chinoises sont souvent subventionnées par l’État, voire sont des entreprises publiques. Dans la moitié des cas incluant des navires chinois relevés par l’ONG, les navires étaient contrôlés par des entreprises d’État, ou partiellement possédées par le gouvernement.

Ce rapport diverge grandement des affirmations du Conseil des affaires de l’État de la république populaire de Chine, qui affirmait en octobre 2023 que sa pratique de la pêche en eaux lointaines chinoise reposait sur “une coopération gagnant-gagnant, la sécurité, la stabilité et un développement vert et soutenable“.

Environmental Justice Foundation pointe de son côté des pratiques abusives courantes sur les navires chinois, comme “la pêche à l’aileron [pratique où un requin est amputé de son aileron puis relâché en mer, où il décède], la capture et/ou la blessure de mégafaune marine vulnérable, ainsi que les violences physiques, les conditions de travail et de vie abusives, les intimidations ou encore les menaces subies par les équipages”.

De l’écosystème aux habitants, des souffrances en cascade

Les membres de l’équipage, pouvant être Indonésiens, Philippins ou en provenance du Mozambique, se trouvent ainsi bloqués en mer “pour des mois, voir des années, dans des conditions d’esclavage moderne”, dénonce l’ONG. Selon les résultats de l’enquête de l’ONG, près de 80 % des membres des équipages ont participé à la pêche à l’aileron, et 54 % d’entre eux ont déjà subi des violences physiques à bord.

Les conséquences sont tout aussi terribles pour l’écosystème de toute une partie de cet océan. La pêche à l’aileron permet par exemple de récolter un ingrédient très utilisé en Chine, mais cause des dégâts catastrophiques aux écosystèmes marins. Plus de 80 millions de requins ont été tués en 2018 par cette pratique, selon un groupe de chercheurs publiant leur investigation dans Science en janvier 2024.

Mais les populations locales payent également le prix fort. “Avant l’arrivée des navires de pêche chinois, nous pouvions obtenir de bonnes prises avec nos filets, même quand nous les jetions trois fois”, résume ainsi un pêcheur mozambicain cité par Environmental Justice Foundation. “Maintenant, il nous faut rester toute la journée pour pêcher suffisamment de poissons.”

Ces conséquences sont dramatiques pour un pays où les deux tiers de la population vivent sur la côte et où de nombreux habitants dépendent de la mer pour leur alimentation comme leurs revenus. “Nous nous sentons blessés car ces poissons ne sont pas là que pour nous, mais pour nos enfants aussi, regrette le pêcheur de Beira, dans le centre du pays : “Ils détruisent la production future”.

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Titi Leopold, 

source: Geo.fr

 

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